L’histoire de Commine

La Valdia est une vieille route de pierre qui serpente jusqu’à la Lys. Après avoir contourné l’ouest de la ville, elle continue jusqu’au cimetière. Là elle s’arrête brusquement et se prolonge par un chemin de terre qui longe la haie d’aubépine en entourant le cimetière. Elle reprend ensuite son cours sinueux. La légende veut que la Valdia ait été utilisée pas les légions aux temps de l’occupation romaine et qu’elle fût construite bien avant l’arrivée de l’armée impériale, mais les archéologues sont persuadés du contraire , car, affirment-ils, ni les Pictes, ni les Gallois qui occupèrent ces collines sauvages, n’eussent été capables d’un tel exploit qui requérait des connaissances techniques sérieuses. Mais comme chacun sait, beaucoup de légendes puisent leur origine dans des faits que l’archéologie ignore et le folklore a souvent des bases autrement solides que la science. Alors, cette route a-t-elle vraiment existé avant le tracé du canal ? La société d’histoire de Comines-Warneton affirme que les confrontations de mai 1940 se sont produites autour du Canal d’Ypres, et des témoignages de la région racontent que déjà avant, la Valdia fut le champ de bataille des Tummies contre les Zommies, deux peuplades barbares. En observant cette zone nous avons découvert, comme jaillissant d’un volcan, des pierres gravées et des morceaux de paniers en bois tressé gigantesques.

Ce qui est étonnant, c’est que les vestiges retrouvés n’aient pas été extraits lors des travaux multiples de construction du Canal ou suite aux secousses des bombardements de 40. Gil Corbier, géologue, nous explique que les secousses d’une bombe peuvent résonner dans l’argile de cette région, jusqu’à 75 ans après l’impact et ainsi libérer des vestiges ensevelis depuis plusieurs siècles. Après quelques mois d’enquête, l’histoire de la Valdia semble enfin se révéler au grand jour. A l’époque de la Rome antique, le village de Hollebeke portait le nom d’Isling. Ses habitants empruntaient quotidiennement le chemin de la Valdia pour ramener de l’eau de la Lys. Or, un jour les Romains prirent connaissance des ressources naturelles de la région. L’argile du nord les intéressait pour deux raisons : la première est que son élasticité épargne les constructions lors des tremblements de Terre. La deuxième vertu de cette argile est d’ordre médical. Toutefois les Romains pensaient savoir soigner toutes leurs maladies et préféraient garder les produits étrangers comme soin de beauté ; comme l’urine des Portugais qui leur servait de bain de bouche, l’argile belge avait vertu de rendre la peau des femmes plus douce que la soie de Chine. A cette époque-là, Marc Antoine régnait sur l’empire mais son coeur était attiré par l’Egypte. Sa reine, Cléopâtre, avait comme réputation d’avoir la peau la plus douce des terres connues. Comme le raconte Racine ou Shakespeare, l’empereur ne peut pas épouser Cléopâtre.

Pour que le malheur ne s’abatte pas sur Rome, il doit épouser une Romaine. Les femmes de l’empire étaient alors en rivalité avec cette reine. Certaines voulaient gagner le pouvoir par fierté et d’autres pour sauver l’empire. C’est pourquoi elles raffolaient de l’argile de Comines. Les pierres archéologiques nous disent que l’argile remportaient un franc succès aux yeux des Romains et que son extraction, destinée en plus à l’exportation, augmentait abusivement par rapport aux ressources. Bientôt dépouillés, les habitants d’Isling décidèrent enfin de se manifester. Ils créèrent une légion pour élaborer une stratégie d’attaque. La Valdia avait été piétinée et creusée par les chars remplis de terre, elle n’était même plus pratiquée par ses créateurs. La légion décida alors de la sacrifier. Une nuit, les habitants de la région se réunirent pour enterrer les pierres sur lesquelles tout était comptabilisé et les chars qui assuraient le transport. Ils creusèrent jusqu’au matin, recouvrirent le tout de grosses plaques d’argile. Les habitants, voulant assister à leur victoire, se cachèrent sous la protection des énormes paniers-filtres renversés. Au moment où les Romains arrivèrent, ils ouvrirent le barrage , ce qui laissa la Lys se glisser dans la Valdia. Les Romains rescapés prirent peur de tant de pertes. Ils s’enfuirent et plus aucune autre autorité internationale ne vint exploiter cette ressource naturelle. L’actuel canal d’Ypres n’a donc jamais été un espace de navigation mais une route transformée en un piège contre la boulimie colonisatrice.

Démarche

Dans un premier temps, nous avons utilisé une ruse d’argumentation. Notre stratégie pour convaincre s’ordonne ainsi : approche sans intérêt apparent ; annonce convaincue d’évènements très flous ; questionnements frôlant le doute ; problématique claire ; raisonnement logique ; démonstration en volume des éléments accessibles qui constituent le raisonnement ; déduction. Une fois l’histoire acceptée, nous semons le doute. La version d’Amandine croise celle d’Alessia, les éléments se recoupent mais ne s’accordent pas. Cette situation offre une possibilité de jeu du comique au tragique. A ce moment-là, les guides se mettent en représentation. Nous nous retrouvons dans un rapport frontal; or les spectateurs ont d’abord été acteurs, dans le drame (étymo. « action »). Cela leur donne alors une aisance au dialogue, ce qui engagera un débat aboutissant au libre arbitre de chacun: y croire ou non, choisir par son propre sentiment plus que par les preuves. Etre ou ne pas être. Ainsi nous voulons inciter le public à se questionner sur ses croyances. Croire un raisonnement c’est le vouloir, parce qu’il nous emmène généralement à l’aboutissement de ce que l’on désire.